
Par Roxane Ledan
Vèvès, diagrammes rituels du vodou
Diagramme magique qui appartient à la tradition vodou, le vèvè est le dessin symbolique d’un lwa dont la fonction est comparable à celle d’une image ou de la statue d’un saint. Les vèvès attirent cérémoniellement les lwa. Selon, l’emblème de la nanchon des lwa, les vèvès sont tracés sur le sol avec de la farine de blé ou de maïs, de la poudre de brique ou d’écorce triturée, de la cendre ou du marc de café. L’officiant procède de la façon suivante : il prend dans une assiette une pincée de poudre ou de farine qu’il fait glisser entre l’index et le pouce de manière à laisser sur le sol un trait mince et régulier. Tous les Ougan ou Manbo ne se montrent pas habiles à tracer le vèvè mais certains font preuve d’une sureté de main et d’une rapidité absolument prodigieuses. En moins d’une demi-heure, ils couvrent des surfaces assez vastes de dessins parfaitement symétriques, exécutés sans la moindre bavure. Ils dessinent ainsi des motifs, des objets ou des animaux. Certains vèvès comprennent les symboles de plusieurs dieux s’étalant d’un bout à l’autre du péristyle. En général, ils sont disposés symétriquement autour du poteau mitan.

On consacre chaque vèvè en y déposant des petits tas de maïs grillé et d’autres aliments secs que l’on arrose avec de l’acassan, du cola ou du rhum. Chaque libation se fait trois fois. Une bougie allumée dans une main et une assiette de farine dans une autre sont « présentées » aux quatre façades. Le Ougan agite son maraca au-dessus des dessins en marmottant des formules rituelles en « langage » avant de placer la bougie allumée sur le vèvè. Le Ougan et les autres dignitaires du Oumfò viennent à tour de rôle « jeter » de l’eau sur le dessin en guise de « salutation ».
Ces vèvès, sur lesquels sont déposées les offrandes faites aux lwa, manifestent sous une forme réelle la présence de la divinité. Ces dessins emblématiques ont un caractère magique et la fonction d’appeler les lwa.


L’origine des vèvès est questionnée entre l’héritage Dahoméen ou celui des Indiens Arawaks, les premiers habitants de l’ile.
Pierres-tonnerre
Les pierres-tonnerre sont des anciennes haches néolithiques encore abondantes dans les sites occupés jadis par les Indiens Arawaks. A défaut de ces haches, des galets de forme particulière sont utilisés. Les propriétés surnaturelles attribuées à ces pierres dérivent de leur association avec les lwa et leur confère toutes sortes de pouvoirs. Elle s’appellent pour cette raison « pierre d’Ogou » ou « pierre de Brisé » selon le cas. Sur certaines d’entre elles, un miroir y est collé afin d’accroitre leur efficacité magique. Elles doivent être gardées dans de l’huile sans quoi elles perdraient leurs vertus. Selon Alfred Métraux : « Elles transpirent quand on les touche, elles sifflent ou elles parlent. Une de leurs particularités est de se déplacer toutes seules à de grandes distances. Il n’est pas rare qu’elles quittent l’autel où elles reposent pour aller se glisser dans la poche ou sous l’oreiller d’un serviteur ».
Govi
Les Govis sont des cruches rangées sur la table des autels. Ces récipients consacrés de façon spéciale sont (après le baptême) habillés d’une robe aux couleurs symboliques des lwa et des esprits des morts qu’ils sont censés contenir.
Pots de tête (Pòt tèt)
Pot contenant les cheveux, les poils et les ongles d’un Ounsi (Usi).
Colliers de Ounsi
Les colliers de Ounsi sont composés de grains de porcelaine de couleurs différentes qui alternent généralement par groupe de sept. Chaque lwa ayant sa couleur symbolique (rouge pour les Ogou, blanc pour les Danbala (Damballah), bleu pour les Èzili (Erzulie), etc, un rapport mystique est donc établi entre eux et les colliers.
Autres figurations tangibles de la divinité
- Le tambour asòtò ;
- les drapeaux ;
- les grandes calebasses décorées selon la couleur du lwa auxquelles elles appartiennent et destinées à recevoir les aliments dédiés au lwa;
- les grandes croix des cimetières ou celles consacrées à la famille des Gede (Guédés) se dressant près des Oumfò (houmfor);
- la croix de Baron Samdi qu’utiliseront les fidèles au moment de la possession par le lwa ;
- le sabre (manchèt) d’Ogou ;
- la béquille de Legba ;
- le bateau d’Agwe (Agoué) ;
- le serpent en fer forgé de Danbala (Damballah) ;
- la barre de fer, « pince » de divers lois.
Petit glossaire
Loa ou Lwa : Esprits du culte vodou, appelés également mystères, anges ou saints
Nanchon : Famille, nation
Ougan (Houngan) : Prêtre du vodou
Manbo (Mambo) : Maîtresse du vodou
Poteau mitan : Pilier situé au centre du péristyle et qui est le chemin par excellence des esprits
Acassan (akasan ou ak-100) : Boisson antillaise, bouillie réalisée à base de maïs ou de manioc, de lait et de sucre
Maraca : Hochet
Oumfò (Houmfò) : Temple du vodou
Ounsi (Usi) : Homme ou femme qui a passé les rites d’initiation et qui assiste le ougan ou la mambo
Ogou : Loi de la famille Nago, esprit du fer, du feu et de la guerre
Danbala (Damballah) : Dieu des dieux, maître suprême, détenteur de la connaissance et de pouvoirs magiques extrêmes
Èzili (Erzulie) : Divinité du vaudou, manifestée dans les deux rites radas et pétros
Asòtò :Grand tambour sacré, mère de tous les tambours
Rada : Nation de lwa, rituel pour les lwa de cette catégorie. Le nom est dérivé de la ville d’Allada au Dahomey. Le panthéon Rada rassemble en général les esprits les plus anciens et les plus bénéfiques. (Le rite Nago rassemblant les Ogou et les Yorouba est en principe intégré au Rada)
Pétro : Nation de lwa, rituel pour les lwa de cette catégorie, regroupant les esprits de création provenant de Saint-Domingue. Les esprits Pétro sont en général plus fougueux, parfois agressifs et belliqueux
Congo : Nation des lwa provenant surtout de l’Afrique centrale (Bantous), rituel pour les lwa de cette catégorie, où le rite y est plus joyeux, festifs et exubérants
Guédé : Lwa ou groupe de lwa représentant les esprits de la mort
Baron Samedi : Divinité de la mort, chef des Guédés, Maître des maîtres et des cimetières
Legba : Gardien des barrières, maître des carrefours, qui a le pouvoir d’ouvrir les portes de la connaissance et de la vérité
Agwe (Agoué) : Dieu de la mer et des océans, symbole de l’ultime stade de l’initiation sous l’eau
Source
- Rachel Beauvoir Dominique
- Alfred Métraux, Le Vodou haïtien, Editions Gallimard, 1958
- Jean Ledan Fils, A Propos de l’Histoire d’Haïti, Vol IX, Beljwèt Publications, 2002
- Laënnec Hurbon, Dieu dans le Vaudou Haitien, Editions Henry Deschamps, 1987
- Milo Rigaud, Diagramme rituel du voudou, French and European Publications, Inc, 1974